dimanche 11 octobre 2015

La "fierté" mal placée des pauvres, à bâtons rompus, propos de comptoirs


La Croix-rouge sert-elle les pauvres? Discussion de comptoir.

Distribution:
Un jeune gus sympa, assez intello (autodidacte mais de milieu cultivé -instit-) vilipende le système qui taxe ceux qui tentent de s'en sortir (de travailler, de fonder leur boîte etc..) les accable de charges.. et finalement les réduisent à la pauvreté voire à la misère et les font couler.
- Moi par exemple, je suis dans la merde. J'ai bien essayé mais voilà (un aléa -panne de machine- lui fait interrompre son activité pour une semaine) ... Je n'ai même plus de chaussures convenables. (Il montre ses semelles) : je n'ai pas les moyens de m'en racheter. Je priorise mes enfants. Il leur faut bien de la viande à leur âge !
- Mauvais exemple. Non. C'est même malsain... Et ignoble. Allez aux abattoirs, on en reparlera..
- Moi, au point où j'en suis, je me fous, mais alors complètement, de la manière dont sont tués les animaux..
- Sauf qu'ils ne sont plus comestibles. Mais vous avez raison sur un point : la souffrance animale est d'abord la souffrance humaine.
Vous souffrez du manque, vous voulez de la "viande" à meilleur prix.. et du coup vous vous foutez de la souffrance animale.. qui est issue de la vôtre et l'accroîtra : les animaux élevés en cage, bourrés de médicaments, d'hormones etc.. puis abattus dans les conditions de stress que l'on sait vous intoxiqueront profiteront aux trust de la "viande" (le plus rentable et le plus puissant après la drogue, les armes et la prostitution.) Le système contre lequel vous vous insurgez tourne rond : vous le nourrissez.
- Mais c'est pas pareil un homme et une bête.
- Si, lorsque vous la mangez. Et la souffrance est toujours la souffrance. Nous sommes dans un même bateau, la terre, hommes, animaux et plantes. Tout se tient (et se paie) mais ce ne sont pas les responsables qui paieront le plus, au contraire (c'est vous) et in fine c'est nous tous. On n'a pas le droit de sérier les problèmes même si ça complique. Ça me rappelle mon copro qui avait abattu un mur porteur de notre maison commune. Il était "chez lui" (!) On a dû lui expliquer que sur un navire on ne pouvait pas percer la coque de sa cabine parce qu'on y était chez "soi". Mais pour revenir à vos godasse, à la Croix- rouge, ils en ont à 3 €... très bien !

- NON TOUT DE MÊME ! JE N'EN SUIS PAS LÀ ! JE NE VEUX PAS EN ARRIVER LÀ !
-Mais pourquoi? (Je montre les miennes). Je les y bien ai achetées, moi.
- Oui.. mais pour moi ce serait la fin... un constat d'échec. Définitif. Comme si je baissais les bras. Et je n'en suis tout de même pas encore là. Comme si j'acceptais de ne pas y être arrivé.
-Arrivé où?
- Arrivé...
- Oui mais où ? A ne pas aller à la Croix-rouge ? (!)
- Là où je voulais. Créer ma propre entreprise... Élever convenablement mes enfants. En cette période où c'est si dur pour nous, à m'en sortir. Un défi.
- Mais ça n'a rien à voir.. au contraire ! Ça  simplifie.
- Si. Pour moi le jour où j'en suis réduit à ça, c'est fini. J'ai perdu.
- Parce que vous êtes imprégné du système idéologique qui vous impose des valeurs mortifères, la réussite... "arriver" etc... Une doxa qui le sert contre vos intérêts et votre simple bien- être : c'est voulu. Votre honte (car c'est bien d'une honte qu'il s'agit) le sert. Vous faites comme Gigi (ndlr, un homme très pauvre... et très bruyant !) qui arborait il y a peu, fièrement, des baskets immaculées en clamant aux terrasses  : "moi je suis un (...) mais quand j'ai besoin de chaussures, je vais pas à la Croix-rouge, je vais à Lidle. J'en veux que personne a portées avant moi, même si je suis un (..) !"
Vous voyez combien c'est puéril ! un complexe qu'on lui a, qu'on VOUS a inculqué pour vous humilier et vous pousser à consommer. Qui sert le système. C'est aussi relié à un village, souvent constitué de bulles immiscibles qui se côtoient mais se mésestiment en pyramide. Je connais une femme qui se moque cruellement de ceux qui se servent chez Netto (ndlr, un petit supermarché pour pauvres)... En principe, elle n'y va  pas, mais quand c'est nécessaire, y envoie quelqu'un ! .. Elle classe les gens entre "ceux qui vont chez Netto" et "ceux qui vont à Champion" (!)... et je lui pose un insurmontable problème éidétique car je serais dans la "bonne" catégorie.. mais je vais chez Netto..
- Elle est con..
- Les imbéciles sont des gens précieux car ils poussent jusqu'au bout, jusqu'au point de rupture, jusqu'au grotesque, des comportements inculqués banaux. C'est pareil pour vous en moindre. Comme un sketch.
(Il semble touché.)
Je lui pose problème comme peut-être à d'autres anciens potes : l'un d'entre eux, (un petit con, un ami) plus que vous branché "réussite", qui ne vit que pour son entreprise et occasionnellement sa famille m'a dit que "je devais revenir à la société, retourner sur terre" !! Comme marginale, on fait mieux pourtant qu'une ex fonctionnaire de l'éduc, qui sur "google plus" à dix millions de vues.. et qui de surcroît  connait tout le monde ici mais c'est l'illusion, le mythe, relié à la peur de déchoir, du regard de la société représenté par celui du voisin, la peur de déroger, d'être différent, (mais on l'est tous, heureusement) d'être isolé.. une peur sans objet... et par suite l'incompréhension ou la mise à l'écart, la défiance (mais parfois l'admiration larvée!) vis à vis de ceux qui "dérogent". C'est la même angoisse que la vôtre qui refusez d'aller à la Croix-rouge. Être comme moi, pour lui c'est être un peu perchée (comme vous m'avez dit.)
- Mais ça ça ne veut rien dire, dix millions de vues.. il y a des mecs qui en ont eu autant avec des vidéos où ils défenestrent un chien... (Je craque un peu.)
- Mais moi ce sont plutôt des textes plus ou moins philosophiques.. et les "vues" sont pertinentes. Écolos, féministes, vegans, entre autres.
- Vegan ?
- Végétaliens. Je ne mange pas de produits animaux.
- Oh ! Et je suppose qu'en plus vous êtes anti corrida ! (Là, il craque, se retourne, tente de recruter quelqu'un contre moi -en vain-..)
- En plus, oui. Et, qui sait? Au moins dix millions aussi et sans doute bien davantage.
Ce phénomène de la peur et de la consommation est accentué dans un village où on est tous plus ou moins à poil (ce qui comporte aussi des avantages) mais il est le fondement de la société ; dans une ville on est plus libre car "cela" ne se voit pas. On côtoie n'importe qui... et aller à la Croix-rouge, à  Emaüs ou à Netto ne pose pas problème.
- Je connais Paris et pour rien au monde je voudrais y vivre ! Les parisiens, c'est des cons.
- Il n y a pas de parisiens. Ce sont au départ des cévenols, des bretons, des picards etc... venus y travailler parce qu'ils ne trouvaient pas chez eux (souvent pauvres ou aux deux extrêmes) et qui y sont restés. Comme moi.
-Oui mais il n y a pas de solidarité comme ici..
- Je ne sais pas. En trente ans je me suis fait agresser (sans gravité) deux fois. Une, dans le métro, une, à une billetterie. A chaque fois, j'ai été défendue. Ici, j'ai pris une balle dans le bras et.. tout le monde (surtout parmi les responsables de la sécurité, le Maire etc..) semble s'en foutre.
- C'est vrai. On est tellement dans la merde qu'on n'y pense pas.. pour nos enfants surtout! ma fille, je voudrais qu'elle soit bien élevée qu'elle ait tout, quoi.. et on n'y arrive pas. Pour moi, c'est le but ... Même si plus tard, elle était ... (il rit) je sais pas, n'importe quoi.. mettons gouine tiens.. j'ai rien contre les homosexuels, remarquez, mais bon... quand même, si elle était gouine, je serais tanqué mais je laisserais. C'est ma fille!
- On croirait que c'est une tare.. mais pas du tout.. le seul truc, c'est que vous risqueriez de ne pas être grand-père, c'est tout, mais enfin, on n'est pas une espèce en voie de disparition.
- Oui, on est trop nombreux... d'ailleurs je disais que j'ai rien contre les homosexuels, j'ai beaucoup de potes homos, mais à condition qu'ils ne cherchent pas à .. enfin ces histoires de GPA et tout..
- Là on est d'accord. Ce sont en fait des achats d'enfants sur commande.. comme si les femmes étaient des usines de production.
- Vous avez vu le sketch génial de Dieudonné à ce sujet ?! Il fait un noir (parce que même qu'il soit noir il se fout des noirs) un noir qui vend des enfants : "Vous voulez quel modèle?".. Vous l'avez vu ? C'est trop marrant!
-Non. Je suis contre la GPA sans avoir vu Dieudonné. Je ne regarde pas ses sketchs parce qu'il est antisémite..
- Mais non voyons, il n'est pas antisémite du tout. C'est juste pour le dézinguer qu'on a fait courir ce bruit.. parce qu'il dérange, parce qu'il est anti système, lui, voilà.
- Si. Et du reste il a été condamné pour ça."
------------
Sauvée par le gong : son téléphone sonne et je m'en vais avec un petit salut avant qu'il n'ait enchaîné sur la suite habituelle sous une forme ou une autre : "c'est juste un complot du lobby juif pour le faire taire parce qu'ils ont de l'argent et qu'il les brocarde"... et de citer en série tous les méchants juifs de la scène artistico-politique-financière .... crevant.
-------------
Voilà donc un jeune, de milieu relativement intello, (instit), exploité, qui rame, qui ne peut aller chez le coiffeur ni s'acheter des chaussures, qui s'inquiète pour ses enfants.. qui vilipende à juste titre le système qui le broie... et admire ceux qui en sont les socles... les pires, ceux qui font mine de vouloir le détruire pour s'en nourrir grassement... surfant sur une vague très porteuse acruellement (je laisse) comme en toute période de crise : les juifs.. Un jeune qui, si susceptible quant à l'honneur de son rang, promeut ceux qui le mésestiment et se repaîssent de son innocence. Un signe : le maître à penser, LA référence absolue, à présent, ce ne sont plus le philosophe (trop lointain), le politicien (largement désavoué), le prêtre ou même le pape (idem)... mais l'histrion de boulevard. Être "contre la GPA" passe forcément par lui, par ce qu'il en a dit (!) On n'est plus "catholique", "marxiste", "hegélien", "sartrien", "gaulliste",... mais.... "dieudoniste" !! (c'est pratique aussi pour dire "antisémite" sans employer le mot, trop connoté).. et bientôt, pourquoi pas après tout ? celui-là n'est sans doute pas pire, "jhoniste" ou "hallydiste". Mmmmmm !!
---------------------
Je rentre, un peu découragée. Demain sera un autre jour.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire